Episode 9: l'embarquement
- Valérie Bauwens

- 23 sept.
- 3 min de lecture
1925: Carnet de bord d’Ella Maillart, 27 juin 1925
"Il y a passé une huitaine qu’Yvonne quittait à Assise pour me rejoindre dans le wagon de 3e qui nous débarqua à Marseille certain matin de doux mistral. Nous avons assez bien voyagé, même si dans le wagon des Italiens ont chanté toute la nuit d’une Ella qui s’était faite couper les cheveux... et pour les faire taire nous n’avons pu que leur offrir nos cigarettes.
À 5 heures du matin, le Vieux-Port est semblable aux souvenirs que j’en ai et je reconnais les deux gardiens de la panne, ce qui me fait croire que hier encore j’habitais là, dans Perlette. Mais ce n’est plus de Perlette qu’il s’agit maintenant, c’est du yawl Bonita. Elle est au bout de la 3e panne et j’y cours en sifflant notre air du Creux-de-Genthod.
Bonita est blanche, à l’étrave droite, haute de franc-bord, les espars sont nus et un noble désordre règne sur le pont et le roof blanc, noble parce que témoin d’un armement précipité et précurseur d’une expédition-croisière sérieuse. Mais voici qu’un petit sifflet se fait entendre et que la tête du capitaine apparaît : les cheveux courts et les yeux qui clignent, même mal éveillés ils n’ont pas changé. Et le pantalon de pyjama, dépassant la robe hâtivement enfilée, impose immédiatement la réalité d’une vie libre et différente de toute autre.
- Tu vois, tout est en cannelle ici mais embarque quand même les choses par le youyou, il est chatouilleux, attention !
Je vais chercher mon sac de matelot plein d’habits marins et une valise de livres et cartes marines. Tout en les embarquant dans ce youyou diaboliquement instable, je m’assure que Notre Dame veille toujours sur la hauteur et que le soleil nouveau illumine la main de l’enfant Jésus. Est-il possible que je flotte enfin sur le Vieux-Port si grouillant, après en avoir rêvé comme d’une féérie orientale au milieu des brouillards de l’Angleterre ? Oui, la réalité est frappante car on ne sait même plus où mettre les pieds sur le pont peint en jaune et dans la cabine, tant la table et les banquettes sont surchargées.
- Salut Kini ! me lance Miette. Pourquoi se fait-il que tu n’arrives que maintenant alors que t’attends depuis une semaine ?
- Depuis une semaine ? Et comment cela ? Puisque qu’il y a 8 jours, j’ai reçu ton télégramme, disant que je n’avais pas besoin de venir avant le dimanche...
- Mais c’était de l’autre dimanche qu’il s’agissait... Nous ne partirons jamais si je dois à la fois surveiller les ouvriers et faire tous les achats !
C’est vrai que nous allons partir ! Quand donc réaliserais je que nous levons l’ancre pour la Sicile et la Grèce ? Et que sont bien là nos vieilles cartes marines de Corse que j’ai prises à Paris entre deux trains et en courant vers le Sud ! Et, oui, maintenant il nous faut lever l’ancre au plus vite si nous voulons réaliser nos projets et arriver à temps en Grèce pour les fouilles que Marthe Oulié doit diriger en Crète au début de septembre..."
Transcription (Carinne Bertola) du carnet de bord Yawl Bonita, juillet 1925, Ms fr-7106/3, Bibliothèque de Genève.
2025: L'embarquement
Nous y sommes, sous le regard bienveillant et la protection de notre Bonne Mère (avé l'accent).

Après un trajet de 4h en train depuis Genève quasiment nickel chrome (malheureusement sans Italiens et aussi parfois sans siège), et vlan, l'aventure commence,. Prochaine étape l'embarquement.

Le ciel est tout noir et le vent se lève. Les bateaux commencent à tanguer dans le port. Les pare battages grincent. L'orage arrive qui, à notre grand soulagement, annule le match OM-PSG de ce soir (le bar de l'OM se situe dans le port). Fermez les écoutilles!
Les défis météo se combinant à des défis techniques, voici notre départ retardé d'un jour.
Nous gardons le moral et nous nous serrons les coudes pour les surmonter.

Nous sillonnons le vieux port en "barque de travail" de jour et de nuit, sous la pluie et l'orage pour transporter notre avitaillement et bagages.
Courage! Et bon départ!
💙💙💙
On croise les doigts pour que la météo soit plus clémente.
Bravo et tenez bon la barre et le vent ☀️♥️
Je ne sais pas si je comprends bien le commentaire “malheureusement sans Italien”, mais j’adore le visage heureux des quatre amies