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Episode 13: Porquerolles - Ajaccio

  • Photo du rédacteur: Valérie Bauwens
    Valérie Bauwens
  • 28 sept.
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 6 oct.

1925


Il fait encore nuit à Porquerolles lorsque les amarres sont larguées tout en admirant le brick Carlos qui se découpe sous la lune. D’où sommes-nous parties ? Où allons-nous ? Peu importe. Ici c’est l’innommé, l’infini. Blottie dans son caban, les jambes enroulées dans une couverture, l’œil fixé sur le compas éclairé à la bougie, et, pipe au bec, c’est Ella qui prend son quart. À son tour d’être en tête à tête avec ses propres rêves.


Puis, dès l'aube, l’équipage s'agite sur le pont et Bonita s’emplit de cris et de rires ! Il s’agit d’abord de laver le pont. Les brosses et les fauberts apparaissent par le trou du poste. On fixe dans les haubans les cordages afin qu'ils ne soient pas trempés. On ferme les capots et la claire-voie. Tandis que l'une tire de grands seaux d’eau de mer qu’elle fait gicler de toutes ses forces sur le pont contre le pavois et en commençant par l’avant, une autre brosse énergiquement. Encore quelques seaux d’eau sur le youyou pour éviter que le soleil ne le dessèche .... Et hop, un seau sur le dos d’Ella qui s’apprête à se doucher à l’ombre des focs. Elle constate une nouvelle fois qu’on pas pu trouver ce fameux savon censé mousser à l’eau salée. « Piaouf ! Un homme à mer ! » Une tête reniflante apparaît : c’est la capitaine qui vient de plonger et nage sans peur des requins. Elle rattrape aisément le bateau, grimpe à bord, dégoulinante, pour s’étendre sur le pont avec l’espoir sournois de gagner le concours « de la plus bronzée » ouvert parmi l’équipage. Dans ce but, on s’offre huit heures aux coups de soleil ; on s’oint d’huile d’amande douce comme les athlètes grecs ; on ose à peine se savonner à l’eau douce...


Puis surtout, on a faim ! Le maître coq confectionne dans le poste un repas hâtif dont le bacon, les fruits et les compotes sont les principaux éléments, à moins qu’il ne pousse le zèle jusqu’à mijoter du riz, des pâtes, ou des petits pois. À une autre de se dévouer pour la vaisselle, faite dans le seau, à l’ombre de la voile ou des focs, tandis que le reste de l’équipage retourne faire la sieste. La capitaine, anéantie par la chaleur, vêtue de son pyjama rayé, d’un grand chapeau de planteur et de lunettes vertes, se rôtit à la barre.


Le 14 au soir, une Corse indécise se dessine sur l'horizon. Première frayeur lors de la troisième nuit en mer : l’abordage par un cargo qui n’a pas vu les fanaux enfumés est évité de justesse ! Dans la matinée, l'équipage est impressionné de longer les îles Sanguinaires, déchiquetées et hideuses, en guettant les hauts-fonds, des grosses roches violettes qui se détachent sur les eaux vertes et turquoises...


Enfin, le 15 juillet vers 16h, Bonita s'ancre devant la place des Palmiers à Ajaccio.


(Carinne Bertola d'après Marthe Oulié, Quand j'étais matelot, 1930).


2025: Quart direction Ajaccio


Face à la mer qui s'étend à perte de vue en passant entre Porquerolles et Port Cros, nous nous rendons à l'évidence : ça y est, nous mettons enfin les voiles pour la Corse ! Voiles qui sont d'ailleurs prêtes à être envoyées : une grand voile, une trinquette et un génois.


Le repas quant à lui finit d'embaumer le carré : patates douces et boulghour à volonté, stockés dans leurs casseroles qui resteront à poste sur la cuisinière pour la traversée. Les assaisonnements se feront au gré des envies : graines de grenade, citron, persil, huile d'olive et épices variées. Le tout arrosé de bouillon



Nous filons sous voiles pendant la journée, silencieuses et contemplatives. La mer pétille et le vent nous pousse vers le Sud Est avec régularité. En prévision de la nuit à venir, certaines expérimentent - sans succès - différentes positions pour des turbo siestes.


Le vent cale après un coucher de soleil flamboyant au sujet duquel nous n'arrivons pas à nous accorder : était-il arc-en-ciel ? romantique ? disco ? ou plutôt licorne ?? nous vous laissons juger ..!


Coucher de soleil fambloyant

Nous voyons la nuit manger lentement le jour et, seules sur l'eau sans aucun bateau en vue, nous avons le sentiment que la mer est à nous ! Les quarts de nuit s'organisent et les premières d'entre nous entreprennent une sieste sur commande avant leur heure de veille.


Les outils modernes de navigation

Dans le noir, nous suivons la progression des nombreux autres bateaux grâce à nos instruments modernes de navigation - AIS et lecteur de cartes. Mais certains d'entre eux restent invisibles aux yeux électroniques.. Une veille visuelle attentive nous permet d'identifier et d'éviter trois voiliers lancés sur leur route depuis la Corse, et qui nous auraient croisées de bien trop près si nous n'avions pas ajusté notre cap.


La nuit étoilée

Les marmites préparées par Yvonne et Esther se vident au gré de nos quarts respectifs car nous nous découvrons des appétits démesurés, assurément aiguisés par les heures de veille et de manœuvre au grand air.


Puis, le 28 à l'aube, nous découvrons à notre tour et avec émotion le relief aussi sublime qu'inquiétant des îles Sanguinaires. Après une approche sans souci grâce au balisage désormais en place, l'arrivée au port d'Ajaccio termine en toute fluidité notre traversée à 12h30.


Nous découvrons les ruelles d'Ajaccio. Contrairement aux filles 100 ans plus tôt, nous ne nous promenons pas avec une machette à la taille pour nous protéger des bandits; nous ne volons pas de figues au marché et nous ne tirons pas de goéland au pistolet. Nous sommes plus sages, et improvisons une sortie à l'église St Erasme pour y écouter des polyphonies corses !



Ces heures à glisser sur le flots nuit et jour resteront dans nos mémoires. Pour la beauté des longues glissades sur l'eau sombre bien sûr, mais aussi pour le souvenir d'Ella et de ses compagnes, pour les discussions nocturnes chuchotées sans se voir en guettant l'horizon, et pour la paix qu'elle nous auront apportées.


Seule ombre au tableau : le temps qui file et les contraintes temporelles qui nous rattrapent... en comptant les miles qui nous restent, nous nous rendons compte que les jours vont nous manquer pour réaliser l'itinéraire prévu pour 2025, de Marseille à Palerme.





12 commentaires

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Stéphane Mader
Stéphane Mader
01 oct.
Noté 5 étoiles sur 5.

Incroyable aventure ! Vous nous faites rêver

Modifié
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Invité
29 sept.

Une belle navigation que vous faites là!

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Invité
29 sept.
Noté 5 étoiles sur 5.

On aimerait être avec vous!

PROFITEZ!

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Invité
29 sept.
Noté 5 étoiles sur 5.

Ole ole chicas que siga vuestra aventura con mucha salud y buen viendo. Jose

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marie-claire
29 sept.
Noté 5 étoiles sur 5.

Magnifiques photos et narration de l'étape très sympa . je me réjouis pour la suite des aventures.

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AL
30 sept.
En réponse à

J’adore……

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